3p--L’ENQUETE PRELIMINAIRE AU MAROC

Publié le par Jihad AGOURAM

3eme partie :

                              LES DROITS DE LA PERSONNALITE LORS DE

                               L’ENQUETE PRELIMINAIRE AU MAROC

     Etude préparé par : Maître Jihad AGOURAM

                                            Avocat stagiaire

 CHAPITRE II : LES DROITS DU DETENU SOUS GARDE A VUE

    Le fait qu’un sujet soit placé en garde à vue ne restreint en rien les droits dont il jouit, sauf bien évidemment son droit à la liberté et les droits qui en découlent. On a même constaté pour ce droit, que bien qu’il soit de l’essence du bon déroulement de l’enquête préliminaire qu’il soit violé, la loi en a limité la violation, afin d’en restreindre les conséquences.

    Ainsi, le sujet de la garde à vue devrait continuer, même sous détention, de bénéficier des droits qui lui sont nécessaires et qui sont appropriés à son statut de détenu, entre autres, le droit d’être nourri et le droit à l’intégrité physique. Aussi nombreux qu’ils soient, les plus importants de ces droits ont été cités par le CPP. A vrai dire, ce ne sont pas les plus importants, mais ceux qui sont pratiquement le plus violés par la des agents de la PJ. Par exemple, les articles du CPP obligent l’officier de la PJ de se faire assister, le cas échéant, par un interprète (les articles 21, 47, 73), et d’avertir la famille du prévenu, une fois ce dernier mis en garde à vue(art 67). De même, ils garantissent au prévenu le droit à la défense (Section 1) et le droit à l’intégrité physique (Section 2).

                Section 1 : Le droit à la défense

    Le droit à la défense est le droit de la personne incarcérée à contacter un avocat et à bénéficier de ses services. Même s’il est censé connaître la loi et qu’il n’est pas excusé de l’ignorer, un simple citoyen ne peut être au courant de tous ses droits de la même façon que l’est un spécialiste juriste. Les hommes du barreau ont pour mission, entre autres, de défendre les intérêts et les droits des personnes devant les Cours. Dans l’intérêt des prévenus, il s’avère primordial de contacter un avocat avant de révéler quoi que ce soit lors des interrogatoires de la PJ. Cette règle est logique, puisque c’est sur la base des révélations et informations de différentes personnes que vont être rédigés les PV qui serviront de moyens de preuve devant le tribunal.

   Ceci étant, le CPP donne à toute personne qui subit un interrogatoire devant les officiers de la PJ, le droit d’être assistée par un avocat. Selon les articles 73 et 74 CPP, le prévenu qui comparait devant le procureur du roi ou le procureur général du roi, peut désigner un avocat pour l’assister lors de son interrogatoire. Quand il s’agit d’un crime flagrant, et si le prévenu ne choisit pas d’avocat, la chambre criminelle lui en désigne impérativement un.

   En comparant les textes du CPP à ceux de l’ACPP, on remarquera que l’innovation de la loi 22-01 réside en la possibilité du contact de l’avocat lors des interrogatoires des services de la PJ. Les articles 75 et 76 de l’ACPP évoquaient la possibilité de la présence de la défense lors de la comparution du prévenu devant le représentant du parquet, alors qu’aucune disposition ne parlait de ce droit lors des interrogatoires postérieurs qui s’effectuent aux commissariats de police et aux centres de gendarmerie. Les articles 66 et 80 CPP reconnaissent désormais au sujet de la garde à vue le droit de s’entretenir avec un avocat.

   On croirait de prime abord que, par ces dispositions, la législation marocaine a franchi un grand pas vers la concrétisation et la consolidation des libertés et des droits des individus. Cependant, examiner le champ d’application et les conditions du droit de l’inculpé à la défense, efface cette illusion. Selon les textes cités, le droit de contacter un avocat est conditionné par ce qui suit :

         *Le prévenu ne peut contacter son avocat qu’une fois.

        *La durée maximum de cet entretien est de trente minutes.

         *Ce contact est fait sous la surveillance de la PJ. On remarquera que le texte vise, outre la surveillance de la PJ, la confidentialité de la rencontre, en ce sens que l’avocat doit être seul avec son client. L’utilisation de chambres vitrées peut concilier ce caractère d’isolation et celui de la surveillance des officiers de la PJ. On peut se demander si les différents postes de la PJ du royaume disposent de ce genre de cellules, voire s’il n’en existe qu’une ?

      -L’autorisation du parquet est nécessaire pour que l’entretien ait lieu. Cependant, en cas de nécessité, la délivrance de celle-ci peut même être retardée par le représentant du parquet, sur demande de l’officier de la PJ, pour certaines infractions. Il s’agit de celles citées à l’art 108 CPP relatif à l’interception des communications.  

      -Cette illusion est plus apparente quand on détermine le champ d’application de ce droit. En fait, le prévenu n’a droit à la défense que dès la première heure de la prolongation de la durée de la garde à vue. Ce droit n’existe pas encore lors des premières 48 ou 96 heures, selon les cas, de garde à vue. Il en découle qu’un détenu ne pourra s’entretenir avec son avocat, qu’une fois les premiers interrogatoires achevés, ce qui enlève à cet entretien tout intérêt et utilité, du moment où les déclarations du prévenu sont déjà prises et transcrites sur des PV qui feront sûrement foi lors de la phase judiciaire du procès.

   On s’interrogerait donc sur la portée de cette innovation législative. Les institutions étatiques paraissent plus soucieuses de la répression des infractions qu’elles ne le sont pour la consolidation des droits des suspects. Toutefois, même si le rédacteur du CPP doit être critiqué sur ce point, c’est la nature de la société marocaine qui a imposé un tel choix. Si dans des pays comme le Canada ou les pays scandinaves on accorde aux détenus le droit de ne parler qu’en présence d’un avocat, c’est parce que le principe y veut que les citoyens respectent les lois, et que, quand ils ne le font pas, ils ne le nient pas ; ils sont totalement conscients qu’ils doivent subir les conséquences de leurs comportements. La mentalité au Maroc œuvre dans le sens contraire. En principe, plaider non coupable alors qu’on l’est, est la dernière des choses qui perturberait la conscience d’un individu. Les affaires qui courent devant les tribunaux répressifs en témoignent quotidiennement. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les différents dossiers pénaux pour constater que la plupart des poursuivis changent leurs déclarations devant le parquet ou le juge d’instruction selon les cas, dès que le contact a été établi avec leurs avocats.

                Section 2 Le droit à l’intégrité corporelle

    Le principe est que le changement de déclarations, cité à la fin de la section précédente, ne porte aucune atteinte à la force probante reconnue aux PV de la PJ par les articles 289 à 292 CPP. Cependant, les PV établis en matière de crimes ne constituent pas plus que des informations selon l’art 291 CPP. De leur côté, ceux rédigés à l’occasion de délits et contraventions ne représentent, suivant l’art 290 CPP, qu’une simple présomption de preuve.

    Cela veut dire que le contenu de ces PV fait foi devant les juridictions répressives à moins que le contraire n’en soit prouvé. La pratique répandue entre les hommes à la robe noire à ce stade est de prétendre que les déclarations de leurs clients, figurant sur les PV établis par la PJ, leur ont été arrachées suite à une contrainte corporelle. Ils demandent donc l’annulation des PV viciés.

    Même s’il est suspecté d’avoir commit une infraction, il n’est pas permis aux agents enquêteurs de torturer le prévenu afin d’en extraire les aveux qui leur permettront de fonder les PV qu’ils présenteront devant les juges. Quelle que soit la gravité des faits pour lesquels il est suspecté, quel que soit le degrés de danger qu’il représente pour la société, et quel que soit le degrés de certitude des investigateurs sur sa relation avec les faits pour lesquels l’enquête a été ouverte, le suspect, placé ou non en garde à vue, ne doit subir aucune contrainte pour se reconnaître coupable car toute personne a droit à l’intégrité physique. L’inculpé, voire le prisonnier qui a été judiciairement condamné, ne fait pas exception à l’application de ce principe.

    On peut relever trois aspects de ce droit à l’intégrité corporelle lors de l’enquête préliminaire :

       *En premier lieu, un PV dépourvu de toute force probante, suite à la preuve de l’inexactitude de son contenu parce que les informations qui le constituent ont été obtenues par torture, signifie que l’extorsion d’aveu par contrainte est illégale.

       *En second lieu, la contrainte dont il est question est punie par les articles 231, 400, 401, 402 et 403 CP.

      *En dernier lieu, les articles 73 et 74 CPP reconnaissent au prévenu le droit de demander au représentant du parquet de le soumettre à une consultation médicale. Le juge d’accusation peut ordonner une telle consultation d’office s’il constate des effets de torture ou de contrainte sur le prévenu comparaissant devant lui. On notera deux remarques à cet égard :

          -D’abord, que le législateur ne parle de possibilité de consultation médicale qu’en cas d’infraction flagrante. Ca ne doit être qu’une omission de la part des rédacteurs du CPP puisque le droit à l’intégrité corporelle se justifie dans tous les cas, sans qu’il n’y ait distinction entre telle ou telle infraction.

         -Ensuite, que cette consultation n’est prévue que lors de la présentation du prévenu devant le parquet, et non pendant la période postérieure de l’enquête préliminaire qui se déroule aux postes de police. C’est normal puisque c’est lors de cette phase postérieure que le droit à l’intégrité physique est violé. Il est donc logique que le droit à la consultation médicale n’intervienne, pour sanctionner cette violation, qu’une fois cette phase achevée, c’est à dire lors de la première comparution du prévenu devant un responsable judiciaire, et plus précisément devant le représentant du parquet.

 

 

 

Publié dans droit (francais)

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