4p--L’ENQUETE PRELIMINAIRE AU MAROC

Publié le par Jihad AGOURAM

4eme partie :

                              LES DROITS DE LA PERSONNALITE LORS DE

                               L’ENQUETE PRELIMINAIRE AU MAROC

     Etude préparé par : Maître Jihad AGOURAM

                                            Avocat stagiaire

        TITRE SECOND :LES COMPETENCES DE LA POLICE JUDICIAIRE

                          ET L’ATTEINTE AU DROIT A LA VIE PRIVEE

      La principale mission des officiers de la PJ lors de l’enquête préliminaire est de suivre les différentes traces de l’infraction, afin d’établir un lien entre ses faits constitutifs et la personne suspecte d’en être responsable. En d’autres termes, leur mission se résume en le regroupement des moyens de preuves pouvant mener jusqu’à l’auteur de l’infraction. Ceci étant, il est logique que la loi leur confère un droit étendu en matière de recherche de moyens de preuve. Ces recherches revêtent différents aspects comme on l’indiquera tout à l’heure.

     Il en résulte qu’il est vrai que ce sont les impératifs de l’enquête préliminaire qui exigent que les services de la PJ aient le droit de perquisitionner les locaux, de consulter des documents confidentiels, ou de mettre sur écoute les communications privées des personnes. Toutefois, il faut garder présent à l’esprit que tous ces actes, et bien d’autres, constituent des atteintes à l’un des piliers des droits de la personnalité. Il s’agit du droit à la vie privée. Il suffit de se référer aux articles 10 et 11 de la constitution pour constater que le domicile est inviolable et que la correspondance est secrète. Ce sont les violations de ces deux principes constitutionnels qu’on se bornera à évoquer ici. Après l’étude de la perquisition dans un premier chapitre, on réservera le second à l’interception des communications. 

                      CHAPITRE I : LA PERQUISITION

   On peut définir la perquisition comme étant une prérogative reconnue aux officiers de la PJ lors de l’enquête préliminaire, leur conférant le droit de chercher dans les locaux, afin de cumuler les différents moyens de preuve relatifs à une certaine infraction. Il en découle d’une part, que le principe de l’inviolabilité du domicile est mis en jeu, du moment qu’un officier peut, sous prétexte de doute de relation avec l’infraction, débarquer dans n’importe quel foyer sans préavis. C’est d’une seconde part le principe de la confidentialité qui est violé, puisque lors d’une perquisition, de nombreuses informations et plusieurs documents sont vérifiés par les officiers de la PJ.

    La limitation de cette violation paraît à travers les articles 59, 60, 62 et 79 CPP. La lecture de ces textes permet de dégager les conditions qui limitent les pouvoirs de la PJ à ce stade de perquisition. Ce sont ces conditions qu’il y a lieu d’étudier dans ce chapitre. Ainsi, une perquisition ne peut avoir lieu pour n’importe quelle infraction. On peut déduire de l’art 59 CPP que c’est juste en matière de crimes et délits que l’officier de la PJ a le droit de perquisitionner les domiciles. Cependant, ce dernier ne peut perquisitionner n’importe quand dans la journée. De même, l’intervention de certaines personnes est obligatoire.

    Ces différentes conditions sont désignées sous peine de nullité. L’art 63 CPP est clair sur la nullité des PV et actes établis en violation des articles 59, 60 et 62 CPP.

       Section 1 – Le temps de la perquisition

   L’art 62 CPP est formel sur ce point. Une perquisition ne peut commencer avant 6 H ni après 21 H. Il en résulte qu’un officier de la PJ ne peut venir taper à votre porte entre 21 H et 6 H pour effectuer ses recherches relatives à l’enquête préliminaire dont il est en charge. Le législateur a peut être considéré qu’il est absurde de venir déranger les gens, chez eux, à une heure où ils sont censés se reposer.

    Mais comme toute règle, celle-ci souffre aussi de quelques exceptions. Ainsi, selon le même art 62 CPP, il peut être procédé à une perquisition à tout moment de la journée dans les quatre cas suivants :

    -D’abord, si c’est le chef de famille qui la demande.

    -Ensuite, si l’intervention de l’officier de la PJ est sollicitée par quelqu’un qui se trouve dans ce foyer. Un appel au secours depuis le domicile justifie la perquisition quelque soit l’heure où elle est effectuée.

    -Puis, en cas de dispositions législatives exceptionnelles. C’est le cas de l’art 4 du dahir du 26 juillet 1971(15) modifiant le dahir du 10 novembre 1956 formant code de justice militaire, qui dispose que nonobstant les dispositions du CPP, le procureur du roi peut procéder à la perquisition même pendant la nuit.  

   -Enfin, quand il s’agit d’une infraction terroriste. Dans ce cas, la perquisition hors période légale est conditionnée, d’une part, soit par les nécessités de l’enquête, par le cas d’urgence ou par la crainte de  disparition des preuves, et d’autre part d’une autorisation écrite du parquet. Il faut noter que ces deux conditions ne sont pas difficiles à réaliser puisqu’en premier lieu, on jugera toujours qu’il y a nécessité ou urgence en cas d’infraction terroriste, et qu’en second lieu, ce n’est pas le représentant du parquet qui se défendra du droit de perquisitionner ou qui en privera ses subordonnés.   

   Ainsi délimitée, la période légale de la perquisition entraîne deux remarques :

       *Ce n’est pas la tranche horaire qui est pertinente, mais le moment où la perquisition peut commencer. Une perquisition entamée pendant la période légale peut se prolonger, sans interruption, après 21 H. L’art 62 CPP est clair là dessus. Bien qu’une telle disposition soit étrangère à l’ACPP, elle ne peut être qualifiée d’innovation législative de la loi 22-01 puisque la doctrine interprétait l’art 64 de l’ACPP dans ce même sens(16).   

     *On devrait se poser la question sur l’horloge considérée pour déterminer s’il est l’heure ou non pour procéder à la perquisition. Un officier peut toujours débarquer chez n’importe qui alors qu’il est 21 H 02 et perquisitionner sous prétexte qu’il est 20 H 58 à sa montre, surtout qu’une fois entamée, la perquisition peut continuer jusqu’à terme. Rien ne l’en privera puisqu’il est toujours difficile, pour ne pas dire impossible, de prouver quoique ce soit contre les faits contenus dans les PV établis part la PJ.

                   Section 2 – L’intervention de certaines personnes

 D’après les dispositions des articles 59, 60 et 79 CPP, d’autres personnes que les officiers de la PJ doivent intervenir lors de la perquisition. Cette intervention peut revêtir deux aspects.

     *D’une part, le consentement du propriétaire du domicile perquisitionné est exigé par l’art 79 CPP pour les infractions non flagrantes. C’est le seul cas où il y a distinction entre les infractions flagrantes et les autres infractions au niveau du système juridique applicable à la perquisition. Cependant, il faut signaler que l’officier de la PJ peut se passer de ce consentement, après autorisation du représentant du parquet, en cas d’infraction terroriste.

   *D’autre part, le CPP conditionne la validité de la perquisition par la présence de certaines personnes : il s’agit selon les cas, du propriétaire du domicile où elle a lieu, et du bâtonnier du barreau des avocats.

     1-Présence du propriétaire du domicile : En application des termes de l’art 60 CPP, l’officier ne peut procéder à la perquisition sans la présence du propriétaire du domicile perquisitionné, ou de son représentant. On fera deux remarques à cet égard :

        -Sur le premier plan, le législateur distingue deux hypothèses : d’abord, celle où on perquisitionne dans le domicile d’un suspect, puis celle où il s’agit du domicile d’un tiers pouvant posséder des choses ou des documents relatifs à l’infraction, sans qu’il ne soit suspecté de l’avoir commise. On ne voit pas très nettement où réside l’intérêt de cette distinction puisque la même procédure s’applique quelque soit l’hypothèse(17). La qualité du propriétaire des locaux n’influence en rien les modalités et les conditions de la perquisition. Ce qui est important, c’est la présence du propriétaire des locaux où a lieu la perquisition, quelle que soit sa relation avec l’infraction.  

      -Il faut noter sur le second plan que cette présence est moins exigée qu’elle ne paraît l’être. En fait,  si ni le propriétaire ni son représentant ne sont en mesure d’assister à la perquisition, l’officier peut passer outre. Il a seulement le devoir de convoquer deux témoins, autres que ses subordonnées, pour prendre part à la perquisition.   

      2-Présence du bâtonnier du barreau des avocats : Selon l’art 59 CPP, un cabinet d’avocat ne peut être perquisitionné que par les juges du parquet. En outre, la loi 22-01 a repris sur ce point une coutume qui voulait que la perquisition dans un cabinet d’avocat ne peut être faite qu’en présence du bâtonnier du barreau ou de son représentant. Cependant, ledit article n’exige pas forcément cette présence, puisqu’il énonce également que la perquisition n’a lieu qu’en présence du bâtonnier ou de son représentant, ou après que ces derniers soit informés par n’importe quel moyen. Le fait d’informer suffit donc pour la validité de la perquisition.

    Cette présence est justifiée par des considérations de secret professionnel. En effet, dans un cabinet d’avocat les informations confidentielles sont nombreuses. Ce sont ces exigences qui ont conduit le législateur à imposer à l’officier de la PJ, chaque fois que la perquisition a lieu dans des locaux à usage professionnel, et dont les propriétaires sont tenus au secret professionnel, d’en informer le parquet et de prendre toutes les précautions nécessaires pour respecter ce secret. On ajoutera à ce stade que l’officier de la PJ est tenu au secret lors de l’accomplissement de ses fonctions. L’art 15 CPP est clair sur ce point. De plus, un officier qui violerait cette obligation, se verrait non seulement disciplinairement poursuivi, mais aussi pénalement mis en cause en application des articles 61 CPP et 477 CP.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Publié dans droit (francais)

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